Wednesday, November 01, 2017

Une exemplarité sans lendemains


Les inégalités de propriété et de revenu ont existé, sans doute depuis les débuts de la privatisation immobilière et foncière au néolithique. Mais le degré de ces inégalités a continuellement fluctué. Il semblerait qu’au cours des âges l’extrême inégalité d’une société est un prélude à son effondrement. Beaucoup se sont exprimés sur la perte de vertu d’une richesse excessive qui peut tout acheter. Ils décrivent les décadences de la moralité et les dévotions au dieu argent qui est sans éthique. Il s’agit donc de mœurs et de politique. Lucas Chancel suggère une interprétation originale et plus systémique. Lorsqu’il y a une grande concentration de richesses chez quelques-uns, leur train de vie dépasse toute mesure. Mais la haute sphère sociale sert de modèle pour les classes moyennes qui cherchent à tout prix d’augmenter leur consommation. Il résulte de ce mimétisme dispendieux un pillage des ressources naturelles et humaines qui n’est pas soutenable. Des archéologues ont étudié les restes de sociétés disparues. Certains cas montrent des signes de violente destruction, de razzia ou de conquête. D’autres semblent s’être désintégrés sans interventions extérieures. L’ile de Pâques vient à l’esprit, ainsi que les pueblos abandonnées du sud-ouest des États-Unis et les cités perdues d’Amérique Centrale. Ces mondes disparus ont pu être les victimes d’un exemple insoutenable donné par le sommet d’une hiérarchie sociale excessive. Rome, après qu’Auguste ait remplacé Cincinnatus comme modèle exemplaire, a succombé à quelque chose de semblable, avec le tarissement des flux d’esclaves, de papyrus et de blé, les légions qui recrutaient des mercenaires barbares et les plébéiens embourgeoisés qui réclamaient du pain et des jeux en rentiers. Plus récemment, la fin de l’Ancien Régime était en partie la conséquence d’un excès de fortune de quelques-uns et de la volonté mimétique des classes montantes. Quant au Second Empire et la Belle Époque, le nivellement s’est fait par deux guerres totales. A présent la richesse est à nouveau concentrée au sommet, et le modèle est manifestement sans avenir. Sauf que cette fois-ci il ne s’agit pas d’un pays ou d’un empire, voire d’un continent, mais de la planète entière, océans compris.

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