Wednesday, December 14, 2011

Fin d'empire.

Voila un siècle et demi que le monde tremble à l’idée d’une invraisemblable dictature prolétarienne. Tout comme l’Antiquité à l’idée d’un soulèvement des esclaves. Et, de ce fait, la dictature bourgeoise a pu perdurer, et son idéologie tyrannique s’est propagée jusqu’aux régions les plus reculées de la planète. Il n’y a pas d’alternative. Cette dictature se présente comme libérale, humaniste, républicaine et, à petite dose, démocrate. Et, quand tout va bien, sa pratique s’approche de son discours. Tant que l’argent coule à flots et que les richesses abondent, il y a un ‘‘ruissellement’’ vers les plus pauvres et de l’ascension sociale pour les classes intermédiaires. Mais, lorsque la machine à fric s’emballe puis se bloque, ce qui lui arrive périodiquement et régulièrement compte tenu de ses mécanismes, tout cela s’arrête. Alors la dictature bourgeoise dévoile son autre visage. Celui d’une aristocratie qui se cramponne à sa propriété, ses privilèges et son pouvoir, et qui est prête à mettre la Terre à feu et à sang pour que rien ne change.

La guerre déclarée en 2001 est différente des précédentes, puisqu’une seule nation possède une puissance de feu supérieure à toutes les autres nations réunies. La guerre ne peut pas se faire entre nations, elle est donc idéologique. Il n’est plus question de bombarder des nations sans discrimination. Il s’agit d’en éradiquer les éléments qui s’opposent à la tyrannie bourgeoise, et d’assurer que son idéologie domine. Les guerres du nouveau millénaire sont impériales. Dans un système soumis à une seule idéologie (sans alternative), toute déviance est hérétique et criminelle, ou pathologique. Pourtant la rébellion était archaïque et rétrograde. Elle prônait un état antérieur lointain, le califat, et des règles sociales d’un autre temps. Cela semblait être un résidu du passé qui ne tarderait pas à disparaître, un anachronisme insignifiant, mais cette apparence était trompeuse. Le mouvement s’est propagé, a pris de l’ampleur et a attaqué artisanalement avec des cutters le cœur de l’empire. Et, malgré dix ans de guerre, il continu de s’étendre et de se diversifier. Pour essayer de comprendre ce phénomène il faut remonter un quart de siècle en arrière (puis presque deux mille ans).

En 1986, l’équilibre de la terreur qui établissait les règles de la guerre froide s’effritait du côté soviétique. La guerre des étoiles de l’administration Reagan (1980-1988) avait beaucoup dépensé et creusé l’écart entre les deux grandes puissances. Et vingt années de Brejnévisme avaient interdit les échanges et accentué les retards technologiques et sociaux. Lorsque le nouveau secrétaire général Gorbatchev a annoncé la restructuration (perestroïka) et la transparence (glasnost) au XXVIIème congrès (mars ’86), il était trop tard. Le régime soviétique chancelait, mais ses tentatives de rétablissement se sont répercutées dans toute sa zone d’influence. Partout, les partis uniques appuyés sur l’armée et la police, voyant le vent tourner, s’essayaient à l’ouverture politique vers le multipartisme et les élections libres, comme le grand frère de Moscou. Enfin presque partout, l’Irak, la Syrie, la Libye, le Tunisie, l’Egypte n’avaient pas réagi, et l’Algérie s’est rétractée après les élections qui ont plébiscité le Front Islamique du Salut en 1991, l’année de l’effondrement de l’URSS.

Pendant plus de quarante ans, deux systèmes de production s’étaient affrontés dans tous les domaines, sauf la guerre totale. D’une part, un control centralisé de toute l’économie et des plans quinquennaux, de l’autre, la libre entreprise, la privatisation des profits et la socialisation des pertes. Deux avenirs s’offraient à l’humanité, avec quelques nations ‘‘non-alignées’’ qui avaient choisi beaucoup de control et une dosette de liberté. Puis, dans un lapse de temps très court, l’un des deux modèles s’est écroulé sous le poids de ses contradictions. Le futur s’est soudainement réduit à une seule perspective. Les années ’90 ont été la décennie américaine, un pouvoir sans partage et que d’occasions ratées. Champagne, caviar, cocaïne et les gâteries de Monika ont occupé les dernières années du millénaire, et occasionné la gueule de bois de 2001. Mais la grande rigolade hédoniste n’était pas au gout de tout le monde, ni à la portée de toutes les bourses. Et la seule forme d’opposition qui subsistait était une morale religieuse archaïque. Le refus de l’omnipotence américaine avait comme seul support la foi en des croyances ancestrales. Pour rejeter un futur sans alternatives, il fallait se réfugier dans le passé, et il se trouve que la religion musulmane, de part sa répartition et son histoire, s’y prêtait le mieux.

En l’an 66, Rome est au sommet de son pouvoir. La puissance de ses armées dépasse celle des autres nations réunies. Néron joue et chante sur les scènes de théâtre, il veut être un artiste. Et, dans un recoin de l’empire, la Judée entre en rébellion. Situé sur le passage terrestre entre l’Afrique et l’Asie, ce petit lopin entre la Méditerranée et le Jourdain a tout subi au cours de son histoire. Et ceux qui y vivent ont une culture et des croyances particulières auxquelles ils sont très attachés. Cette fois-ci, entrainés par la faction la plus radicale, les zélotes, c’est contre le gouvernement du procurateur romain Gessius Florus qu’ils se soulèvent. Malgré ses problèmes de politique intérieure (69 en particulier), Rome aura le dernier mot et, après un long siège, Jérusalem sera rasée en 70. Cet événement provoque l’effroi parmi les communautés juives disséminées dans toutes les villes de l’empire. Mais il confirme les pronostiques de la secte chrétienne et va la sevrer de ses racines judéennes.

La radicalité des zélotes était alimentée par leur foi (Flavius Josephus décrit ceux de Jérusalem comme de la racaille assoiffée de sang, mais à Massada il est moins sûr). La foi absolue qu’il faut pour se sacrifier dans un combat désespéré. Cette foi était celle des martyres chrétiens. Elle est réapparue à Albi avec les cathares, à Münster avec les anabaptistes, et chez les protestants des Flandres et d’Allemagne face à l’Inquisition espagnole. Puis il y a eu un changement de paradigme. Dieu est mort de solitude et d’ennui, et son paradis est devenu terrestre. L’au-delà dimensionnel est devenu temporel, et le chœur céleste s’est transformé en lendemains qui chantent. Ceux qui se sacrifiaient le faisaient pour le bonheur des générations futures, et non plus pour leur propre salut.

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