Wednesday, January 31, 2007

Adam Smith.

Si le libéralisme nous écrase, c’est la faute à Adam Smith, dit la chanson. Mais, si Adam Smith est pour le libre échange, c’est qu’il vit dans un monde cloisonné par les barrières tarifaires et douanières. En Grande Bretagne, par exemple, une taxe sur le blé importé favorisait les propriétaires terriens, au détriment des mangeurs de pain, en maintenant des prix élevés. Cette taxe sur le blé n’a été levée qu’en 1846, après une lutte épique au parlement entre la rente foncière, qui dépend du prix du blé, et le profit d’entreprise, qui dépend du prix du pain(des salaires). Ce combat a fait de Robert Peel une grande figure de la révolution industrielle anglaise.
Pour en revenir à Adam Smith. A la même époque où François « Laissez faire, laissez passer » Quesnay, était un ardent physiocrate, lui a été l’un des premiers à soutenir que la Richesse des Nations était le produit du travail. Cette notion nouvelle est reprise par Karl Marx, qui explique que le travail, seul créateur des richesses, n’en obtient que la part nécessaire à sa reproduction.
Adam Smith est à l’origine de notre compréhension actuelle de la répartition de la valeur ajoutée par le travail, un découpage en sept.
1. Les taxes et les impôts vont à l’Etat.
2. Les salaires et les assurances sociales rémunèrent le travail.
3. Les loyers reviennent au foncier.
4. Les marges rétribuent le commerce.
5. Les intérêts sont versés à l’argent.
6. Les profits sont à l’outil.
7. Les droits rentabilisent les brevets.
Cette répartition de la richesse produite par le travail n’est pas une abstraction. Elle concerne des personnes humaines. Et c’est là qu’apparaissent les clivages politiques des sociétés industrielles parlementaires. C’est le champ des luttes sociales.
Il y a les agents de l’Etat, ceux de la force, de l’ordre et de l’appareil. Puis il y a ceux qui produisent de leur travail. Enfin il y a ceux qui possèdent le foncier, le commerce, l’argent, l’outil et le brevet. Bien sûr, la ségrégation n’est pas parfaite entre les trois groupes. Des agents et des producteurs peuvent aussi être des possédants. Mais on peut supposer que c’est le revenu (ou le statut) principal qui détermine l’appartenance.
L’Etat, le travail et la propriété privée se partagent les richesses produites. Et chaque groupe doit à son tour répartir sa portion respective. A l’intérieur de l’Etat, le soldat et le clerc s’affrontent depuis toujours pour la primauté. Le travail est séculairement soumis à des échelles salariales, hautes et pentues. Tandis que la propriété, nous l’avons vu, recouvre cinq éléments distincts.
L’Etat se préoccupe avant tout de se perpétuer. Pour cela, il se prête à toutes les compromissions. Le travail, très échelonné, n’a que ses bras et ses têtes. Parcellisé à l’extrême, il agit à l’émotion et au ressentiment. C’est donc la propriété qui mène le jeu politique. Et ses divisions internes expliquent les alternances.
Le foncier, le commerce et l’argent sont les trois propriétés historiques (de l’Antiquité). L’outil et le brevet sont des nouveaux venus. Les anciens et les modernes s’affrontent. Mais les marchands et les banquiers ont des clients dans les deux camps. Ce qui a modéré l’affrontement entre l’aristocratie terrienne et la bourgeoisie industrielle, au 19ème siècle. Aujourd’hui la FNSEA et le MEDEF sont toujours concurrents pour les aides diverses. Tandis que les banques et la grande distribution font affaire avec les deux.
Le système est verrouillé depuis longtemps. Pourtant, il subit des accrocs récurrents. L’offre et la demande se déconnectent régulièrement, à cause du crédit et des emprunts qui s’empilent selon des calendriers précis. Et ces piles de dettes ne peuvent se résoudre sans des taux d’inflation élevés.
Selon une périodicité de 57 ans (J.A.Schumpeter, Business Cycles (1939), p.213), nous sommes confrontés aux mêmes problèmes d’endettement qu’en 1950, multipliés par cent. Mais ce n’est pas sûr que les vieilles méthodes (guerre et chasse aux sorcières) suffiront cette fois-ci. En 1950, la diffusion des nouvelles motorisations (la voiture, l’avion, le train, la tondeuse à gazon et le réfrigérateur) et du pétrole quasi gratuit ont tout relancé. L’informatique, le moteur d’innovation du cycle présent, ne propose déjà plus de nouveautés particulières. Sa virtualité ne semble pas à même de déclancher une multiplication de l’emploi mondial.
… etc.

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