Notre-Dame-des-Landes
Toujours
plus de la même chose, alors qu’il devient évident que l’humanité
subit un changement de paradigme. Depuis un siècle le produit
mondial a doublé assez régulièrement tous les vingt ans. Le denier
doublement a été possible grâce aux grands pays émergents,
Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud, qui ont réanimé les
vieilles nations industrielles en leur cédant des parts du plus gros
gâteau. Mais un nouveau doublement supposerait l’émergence de
deux nouveaux BRICA en même temps. Cette impossibilité signifie que
dorénavant toute croissance significative se fera au détriment
d’autrui, et que le produit planétaire va stagner. Ceux qui
promettent que la richesse de tous va augmenter comme avant se
trompent eux-mêmes, ou cherchent à tromper ceux qui les écoutent.
L’autre
changement concerne le dépérissement de l’écosystème planétaire
provoqué par la dissémination massive de produits de synthèse et
les émissions de gazes à effet de serre qui sont en train de
réchauffer les océans et de modifier le climat. Il s’agit ici
d’une accélération au lieu d’un ralentissement. Des effets
cumulatifs se manifestent. La fonte du permafrost et le dégel des
fonds de l’océan Arctique dégagent du méthane en quantités
difficilement mesurables, mais potentiellement énormes. Tandis que
le cocktail de pesticides, d’herbicides, de métaux lourds et
d’isotopes radioactifs déversé depuis la Seconde Guerre Mondiale
provoque des troubles physiologiques mortels chez un nombre croissant
d’espèces. Les deux aspects de ce changement pourraient aboutir à
la destruction d’une large partie des organismes vivants. Mais le
discours officiel assure que tout peut continuer comme avant, avec un
peu d’isolation thermique, un vague tri des déchets domestiques et
quelques éoliennes, et surtout sans cet horrible charbon. Il n’est
jamais question d’une catastrophe imminente qui ne concernera pas
seulement quelques iles du Pacifique. Est-ce de l’ignorance, de
l’aveuglement, la volonté de ne pas effrayer le vulgum pecus, ou
la certitude que les mieux munis s’en sortent toujours?
Vers
la fin des années ’60 un projet d’aéroport fut étudié pour
accueillir le tout nouveau Concorde. Mais un aéroport juste pour un
avion supersonique… et que feraient ses passagers au milieu d’une
lande au nord de Nantes? Le projet n’eut pas de suite, sauf le
maintien des appropriations de terres par le domaine public. Une
trentaine d’années plus tard, l’aéroport de Nantes-Atlantique
avait beaucoup augmenté son trafic, et ses environs s’étaient
urbanisés. Un nombre croissant d’administrés se plaignaient
d’être constamment survolés. Des promoteurs immobiliers ont
raisonné qu’un bout de piste pour avions rapportait moins qu’un
immeuble. Et un député-maire ambitieux a ressorti des cartons
l’ancien projet d’un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes.
L’argument était que le nombre de voyageurs avait doublé, qu’il
doublerait encore et que l’infrastructure existante ne suffirait
plus. Sauf que passer d’un million de personnes qui partent de
Nantes et qui y reviennent, ou qui arrivent à Nantes et en
repartent, à deux millions, n’est pas la même chose que le
passage de deux à quatre. D’où viendront ces deux millions de
touristes et de vacanciers supplémentaires qui enfin se décideront
de monter et descendre d’avion à Nantes? Pour les promoteurs du
nouvel aéroport, cela semble aller de soi. Ce qui a doublé hier
doublera demain. Mais nous avons vu que la croissance mondiale ne
peut pas maintenir son rythme passé, et que la planète vacille déjà
sous l’effet des déjections actuelles. On ne peut qu’en conclure
que ceux qui nous gouvernent sont stupides, ou coupés de la réalité
par des entourages de béni-oui-oui, ou, plus probablement, tellement
imprégnés de libéralisme capitaliste, idéologiquement et
matériellement, qu’ils ne peuvent envisager, ni même concevoir
que tout cela est en bout de course. La transition n’aura pas lieu,
et l’effondrement de la finance et celui de l’écosystème ne laissent
planer que l’incertitude de leurs calendriers.
0 Comments:
Post a Comment
<< Home