Saturday, December 16, 2017

Notre-Dame-des-Landes


Toujours plus de la même chose, alors qu’il devient évident que l’humanité subit un changement de paradigme. Depuis un siècle le produit mondial a doublé assez régulièrement tous les vingt ans. Le denier doublement a été possible grâce aux grands pays émergents, Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud, qui ont réanimé les vieilles nations industrielles en leur cédant des parts du plus gros gâteau. Mais un nouveau doublement supposerait l’émergence de deux nouveaux BRICA en même temps. Cette impossibilité signifie que dorénavant toute croissance significative se fera au détriment d’autrui, et que le produit planétaire va stagner. Ceux qui promettent que la richesse de tous va augmenter comme avant se trompent eux-mêmes, ou cherchent à tromper ceux qui les écoutent.

L’autre changement concerne le dépérissement de l’écosystème planétaire provoqué par la dissémination massive de produits de synthèse et les émissions de gazes à effet de serre qui sont en train de réchauffer les océans et de modifier le climat. Il s’agit ici d’une accélération au lieu d’un ralentissement. Des effets cumulatifs se manifestent. La fonte du permafrost et le dégel des fonds de l’océan Arctique dégagent du méthane en quantités difficilement mesurables, mais potentiellement énormes. Tandis que le cocktail de pesticides, d’herbicides, de métaux lourds et d’isotopes radioactifs déversé depuis la Seconde Guerre Mondiale provoque des troubles physiologiques mortels chez un nombre croissant d’espèces. Les deux aspects de ce changement pourraient aboutir à la destruction d’une large partie des organismes vivants. Mais le discours officiel assure que tout peut continuer comme avant, avec un peu d’isolation thermique, un vague tri des déchets domestiques et quelques éoliennes, et surtout sans cet horrible charbon. Il n’est jamais question d’une catastrophe imminente qui ne concernera pas seulement quelques iles du Pacifique. Est-ce de l’ignorance, de l’aveuglement, la volonté de ne pas effrayer le vulgum pecus, ou la certitude que les mieux munis s’en sortent toujours?

Vers la fin des années ’60 un projet d’aéroport fut étudié pour accueillir le tout nouveau Concorde. Mais un aéroport juste pour un avion supersonique… et que feraient ses passagers au milieu d’une lande au nord de Nantes? Le projet n’eut pas de suite, sauf le maintien des appropriations de terres par le domaine public. Une trentaine d’années plus tard, l’aéroport de Nantes-Atlantique avait beaucoup augmenté son trafic, et ses environs s’étaient urbanisés. Un nombre croissant d’administrés se plaignaient d’être constamment survolés. Des promoteurs immobiliers ont raisonné qu’un bout de piste pour avions rapportait moins qu’un immeuble. Et un député-maire ambitieux a ressorti des cartons l’ancien projet d’un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes. L’argument était que le nombre de voyageurs avait doublé, qu’il doublerait encore et que l’infrastructure existante ne suffirait plus. Sauf que passer d’un million de personnes qui partent de Nantes et qui y reviennent, ou qui arrivent à Nantes et en repartent, à deux millions, n’est pas la même chose que le passage de deux à quatre. D’où viendront ces deux millions de touristes et de vacanciers supplémentaires qui enfin se décideront de monter et descendre d’avion à Nantes? Pour les promoteurs du nouvel aéroport, cela semble aller de soi. Ce qui a doublé hier doublera demain. Mais nous avons vu que la croissance mondiale ne peut pas maintenir son rythme passé, et que la planète vacille déjà sous l’effet des déjections actuelles. On ne peut qu’en conclure que ceux qui nous gouvernent sont stupides, ou coupés de la réalité par des entourages de béni-oui-oui, ou, plus probablement, tellement imprégnés de libéralisme capitaliste, idéologiquement et matériellement, qu’ils ne peuvent envisager, ni même concevoir que tout cela est en bout de course. La transition n’aura pas lieu, et l’effondrement de la finance et celui de l’écosystème ne laissent planer que l’incertitude de leurs calendriers.

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