Wednesday, November 19, 2008

Le socialisme bourgeois.

Aussi loin que l’on remonte dans le temps, les mouvements sociaux sont le résultat d’une alliance entre la masse laborieuse et une partie de son encadrement. Une fraction de la hiérarchie s’en détache et, s’appuyant sur un soutient populaire, tente de la renverser pour prendre sa place. Lorsque l’oppression s’accentue et que le peuple gronde, les insatisfaits et les déclassées du système se présentent comme une alternative de gouvernement. Ils se mettent à la tête et se font les porte-parole du mouvement. Cette prise en main de la révolte par un groupe de transfuges est peut être inévitable. Puisque la pratique des armes et des concepts est réservée aux cadres du système, que le conflit ait une forme militaire ou idéologique le mouvement populaire se trouve dépourvu de direction. Avec du temps il pourrait sans doute développer ses propres idées et une autre pratique, mais la révolte d’en bas se fait toujours dans l’urgence. N’ayant pas de capital, l’ouvrier ne peut interrompre sa force de travail qu’un court instant, le temps que durent ses maigres réserves. Au-delà, lui et ses dépendants sont confrontés à la faim et l’expulsion. S’il ne l’emporte pas tout de suite, il est perdu. Pris par le temps, il ne peut que suivre ceux qui semblent savoir, cette partie marginale du pouvoir, la lumpenbourgeoisie.


La sociale bourgeoisie a les mêmes vieilles origines que les mouvements sociaux. On la trouve déjà à l’œuvre à Athènes et à Rome. Et dés lors on voit les deux tendances qui la scindent, les opportunistes et les moralistes. Les premiers contestent leur position dans l’ordre social, mais l’ordre lui-même n’est pas remis en cause. Le sommet de la pyramide doit être renversé pour être immédiatement remplacé par un novus homo et ses fidèles. Les seconds contestent l’immoralité de l’ordre social. L’ordre lui-même n’est pas en cause et le sommet n’est pas à changer. Ce sont des niveaux subalternes qui pourrissent l’édifice et qui doivent retrouver un comportement éthique. L’opportuniste voit la force des masses laborieuses, la puissance du nombre, et cherche à sen servir. Le moraliste voit la faiblesse des masses laborieuses, le dénuement matériel et moral, et cherche à y remédier.


Le révolutionnaire et le réformiste divisent depuis toujours le socialisme bourgeois. Qui ne sait s’il doit pencher à gauche ou au centre (sic). Cette indécision est une constante, et seules les lames de fond populaires peuvent interrompre son habituelle collaboration à l’ordre social. La sociale bourgeoisie française hésite à nouveau devant son éternel obstacle. Son choix est d’autant plus cruciale que la crise financière se propage à tous les niveaux, présageant de fortes turbulences. Il n’est pas sûr que le PS puisse se positionner en accord avec cette perspective. Sa trop grande implication dans l’ordre existant et les rigidités inévitables que cela implique vont lui interdire un virage à bâbord. Mais, d’un autre côté, il n’est pas certain qu’en ce début de millénaire la sociale bourgeoisie reste une nécessité, que les masses laborieuses en ayant encore besoin pour mener leurs luttes.


A présent le fossé du savoir est en partie comblé et la révolution informatique en est largement responsable. Les réseaux du savoir, des connaissances et de l’information sont en train de laminer le système de transmission scolaire, où le programme ne laisse pas de place à la curiosité, puisque lui-seul décide des critères sélectifs, le choix des sujets et le temps qui leur est accordé, et la docilité que cela impose. Le réseau ouvre un monde, comme le faisait la rue avant le voiture, ou la campagne avant les pesticides et la voiture, mais la nouvelle ouverture ainsi engendrée est planétaire et tous azimuts. La curiosité trouve un vaste champ libre et rend caduc le programme scolaire et sa sélection catégorielle, qui l’ouvrier, qui le cadre, qui le haut dirigeant.
Les révolutions culturelles sont nécessairement générationelles et ne se préoccupent pas immédiatement des hiérarchies du pouvoir. Des nouveaux concepts, un nouveau langage et des rapports différents qui en découlent, seul un groupe d’âge restreint est capable de les assimiler immédiatement. Les autres sont trop vieux ou trop jeunes. Il leur faudra du temps pour s’y faire. Lorsque tout le monde aura vieilli et que la nouveauté se sera émoussée. La génération qui est à la jonction des mondes anciens et nouveaux s’identifie à un idéal, que se soit le refoulement romantique, le nivellement sociale, ou faire l’amour au lieu de la guerre. Et puisqu’elle a l’âge qu’elle a, de quinze à vingt-cinq ans, la génération qui est aux avants postes est la plus turbulente et la moins formatée de tout le corps social.


La révolution informatique est culturelle autant que technologique. Comme avec l’imprimerie à ses débuts, l’état d’esprit est transformé par le nouveau média. Cela se reporte sur le rapport aux autres et au monde. Si la manière de communiquer les idées et les sentiments change, tout doit changer en conséquence. C’est alors que l’ordre établi est rejeté. Et combiné à une crise capitalistique sans précédents, puisque réellement mondiale, la révolution culturelle surf sur la toile et se propage à la vitesse ultime de la lumière. Lorsque l’effondrement du système monétaire mondiale se résoudra par de l’inflation galopante, des taux d’intérêt à deux chiffres, une production ralentie et des pertes d’emplois, avec un État surendetté plus préoccupé par les entreprises que par les salariés, s’employant à faire de la finance au lieu du social, c’est alors que les réseaux montreront leurs vraies possibilités. Et il est difficile d’imaginer que les quinquas et les quadras du PS puissent jouer un rôle quelconque face au grand chamboulement qui se prépare. Les réseaux sociaux se sont affranchis de l’électoralisme et des querelles de chefs. Ils favorisent le représentant révocable et le mandataire, au détriment de l’élu. Ils produisent des connections horizontales plutôt que verticales, permettent l’interaction du plus grand nombre et leur irrésistible inventivité. A-t-on vu à Reims les derniers soubresauts d’une sociale bourgeoisie moribonde, devenue enfin inutile?

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